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Tristan Morel - Urbaniste

Le developpement des ecoquartiers : le cas francais

, 02:56am

  Article ecrit en mai 2009, pour le journal de l'Alliance francaise de Xian (Chine)


A l’heure où le Maire Michael Bloomberg s’attaque à Times Square pour faire de New-York une ville verte, la France s’est déjà engagée sur la voie du développement durable par une série d’initiatives. Selon les directives du gouvernement en 2008, le MEEDDAT dirigé par Jean-Louis Borloo, lance en octobre un grand plan pour les villes durables : un appel à projets Transports collectifs, le concours ÉcoQuartiers et le projet ÉcoCités. Le but est de dynamiser la création de "quartiers écologiques" ou "verts", dans les grandes villes du pays. Des réalisations de ce type existent sur le territoire, comme dans les autres pays d’Europe et aux États-Unis. La France a bien participé au développement du concept depuis trente ans, grâce à son savoir faire technique et scientifique, mais elle semble pourtant à la traîne lorsqu’il s’agit de concrétiser ces projets.

A l’origine du concept de quartier vert : la cité-jardin. Il s’inspire aussi de courants du début du XXe siècle, comme l’architecture organique ou des réalisations modernistes des années 1930. La fondation d’Arcosanti dans l’Arizona en 1970, première "ville écologique" véritable, fonde une alternative crédible aux formes urbaines traditionnelles, à "l’âge de la crise environnementale". En 1976 les Danois s’en inspirent et créent le premier écoquartier d’Europe à Tinngarden. Puis la crise et les délocalisations des années 1980 génèrent des friches : bâtiments ou infrastructures désaffectés, sols pollués en profondeur, terrains vagues... Les municipalités volontaristes et les citoyens militants lancent des projets de réhabilitation dès 1990. Ils intègrent différents moyens de production ou de récupération d’énergie, comme les panneaux solaires ou les éoliennes, des techniques et des matériaux naturellement isolants. L’implantation d’un écoquartier sur une friche industrielle, ferroviaire ou portuaire permet finalement de revaloriser le territoire. Certains projets ont été achevés après l’an 2000.

Par rapport aux exemples Nord-européens et américains, les initiatives françaises semblent plus encadrées. L’État met en place dans les années 1990, la démarche Haute Qualité Environnementale – HQE. Elle concerne les principaux acteurs de la construction, dont les collectivités locales et les constructeurs de lotissements qu’elle encadre spécialement. En 1998 l’État lance le Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA) qui oriente la recherche scientifique vers l’application des "normes" de développement durable à l’échelle nationale. 
L’écoquartier Saint-Jean-des-Jardins à Chalon-sur-Saône constitue aujourd’hui la seule réussite française en la matière. Les premiers travaux pour la création de 45 logements y ont été menés entre 2005 et 2006. Mais d’autres écoquartiers sont en création, comme celui de Batignolles-Cardinet à Paris. La Caisse des Dépôts comme banque de l’État, a elle aussi lancé un appel à projets et retenu une quinzaine de dossiers hors-Paris. Elle soutien au cas par cas treize projets expérimentaux, par le financement d’études techniques, des prêts et investissements à long terme (dont portage). Deux autres, à Rennes et Montpellier, seront bientôt livrés: la Caisse des Dépôts joue alors un rôle d’évaluation et capitalise l’expérience pour les autres initiatives.
Car les projets deviennent plus complexes sur le plan scientifique. Outre l’exigence d’une "architecture verte", d’une densité accrue du tissu urbain, d’une mixité sociale, générationnelle, économique et fonctionnelle, plusieurs contraintes s’ajoutent au montage d’un projet d’écoquartier : réduction des coûts de construction et de l’impact environnemental, sauvegarde ou régénération des écosystèmes, recyclage des déchets, économie d’énergie(s), de l’emprise au sol, des ressources naturelles, mobilité mais circulations douces, réponse aux enjeux écologiques mondiaux... L’écoquartier est aujourd’hui un projet pluridisciplinaire et multiforme.

A partir de ces réalisations futures, l’État compte lancer les éco-cités à l’horizon 2012 au plus tôt. Cependant les expériences américaines et nord-européennes, démontrent que l’implication des habitants dès le montage du projet en détermine la réussite sur le long terme (entre dix et vingt-cinq ans). Sans un certain militantisme local et durable des citoyens, la France se contentera de canaliser les initiatives par des politiques publiques. Cette attitude s’apparente à une forme de planification urbaine institutionnelle à très long terme. Elle s’oppose à l’idée d’adapter la ville à la nature par le biais de l’action citoyenne, fondement du concept de quartier écologique. Finalement le dialogue démocratique entre les institutions, les acteurs de la construction et les citoyens doit être continuellement stimulé, afin d’accélérer la mise en oeuvre des projets. A l’heure du "New Deal vert" américain, la construction des écoquartiers français pourrait contribuer à développer un véritable cycle de concertation publique, sur le modèle de la démocratie participative, synonyme de bonne gouvernance.

                                                                                                                                Tristan Morel

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