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Tristan Morel - Urbaniste

Les bases américaines en Asie centrale

17 Juin 2009, 11:37am

Publié par Tristan

Article paru dans la revue française de géopolitique Outre-Terre : Asie antérieure – Guerre à l’Iran ? ; numero 16, éditions Érès, 2006 - Carte en fin d'article

 

 




 L'arrivée massive des militaires américains dans le "flanc mou" de l'ex-U.R.S.S. marque un changement de l'équilibre géopolitique dans la région. Jadis monopole des Soviétiques puis lieu d'entrainement discret des Occidentaux, l'actuelle région AfPak revient sur le devant de la scè
ne politique internationale en 2001. Terrain difficile, accidenté, présence de groupes armés puissants, de réseaux terroristes, le théatre afghan révèle les difficultés à venir pour la coalition occidentale.

        
Le 11-Septembre a été une occasion historique pour les Américains de s’implanter militairement en Asie centrale. Il leur suffit d’envoyer des ingénieurs transformer les anciennes installations soviétiques. Dès la fin du mois, les premiers transports arrivent au Tadjikistan qui collabore déjà avec la France : location de la base de Douchanbé, la capitale, et deux bases tadjikes sont identifiées pour le déploiement à venir. Cela alors que le pays fait partie de la Communauté d’États indépendants (CEI) et que la Russie a hérité des implantations soviétiques ; Vladimir Poutine intervenant lui-même auprès de Georges Bush pour lui indiquer l’option à retenir, soit l’aéroport de Douchanbé. La coalition compterait début 2002 au Tadjikistan près de 800 hommes, les Américains partageant les droits de basage et de ravitaillement dont ceux-ci disposent. D’autres transports arrivent parallèlement à Bichkek au Kirghizstan ; ce pays accepte en 2001, une fois les négociations menées à terme entre lui et la Russie, la présence de forces américaines ainsi que des appareils français et danois. L’aéroport international de Manas, en son temps construit pour accueillir les bombardiers soviétiques sur le chemin de l’Afghanistan, va être partiellement réaménagé de façon à recevoir les forces de la coalition occidentale ; l’accord porte sur les modalités d’utilisation de la base, et les droits concédés aux Américains sont les mêmes qu’au Tadjikistan : basage et ravitaillement ; plus de 1 000 hommes. On trouve sur les deux sites tadjik et kirghiz un escadron de 24 appareils de combat, bombardiers américains comme F-16 et F-18 (1). La France, qui a stationné six Mirage 2000, deux C-130 et 200 techniciens, principalement au Tadjikistan et au Kirghizstan, participe aux opérations de couverture et de soutien (2). Plus généralement, les deux aéroports de Manas et de Douchanbé servent exclusivement de relais de ravitaillement dans le cadre de l’opération Enduring Freedom en Afghanistan.

Mais ces deux points d’appui, même bien situés, n’auraient pas satisfait à l’ampleur de la tâche en Afghanistan. C’est pourquoi les États-Unis ont achevé le 5 octobre 2001 des négociations ave l’Ouzbékistan, qui les accueille sur l’ancienne base soviétique de Karshi Khanabad (K2) , à moins de 150 km de la frontière Sud-est avec l’Afghanistan, desservie par une ligne de chemin de fer et des axes routiers ; sur ce relais logistique seront déployées des forces d’infanterie légère de la 10th Mountain Division, des centaines de techniciens, des escadrons de F-15 et F-16 et de nombreux avions de transport ; des tonnes de matériels acheminés seront ensuite réexpédiés vers Mazar-e-Sharif, Bagram et parfois Kandahar (3). Du point de vue américain, cette base où sont stationnés entre 1 300 et 1 800 hommes est donc un point d’appui logistique central. L’Ouzbékistan était encore récemment un pays que l’équipe de Georges W. Bush projetait de transformer en puissance régionale.

Juillet 2005 : le gouvernement ouzbek, agacé par les critiques que suscite chez les Américains –droits de l’Homme- le massacre d’Andijan (à l’est du pays) demande à ceux-ci de retirer leurs forces de la base de Karshi Khanabad ; Washington a, selon le Washington Post, 180 jours pur évacuer les installations. Les relations entre les États-Unis et l’Ouzbékistan ne devraient pas s’améliorer, le Congrès votant en octobre un amendement différant d’un an le paiement d’une indemnité de 23 millions de dollars pour l’utilisation de la base (4). La présence des États-Unis dans la région n’est pour autant pas remise en question sur l’essentiel, une tournée des responsables américains de juillet à octobre 2005 dans la région permettant de renouveler les accords sécuritaires et économiques avec les gouvernements centrasiatiques (Ouzbékistan mis à part). Les dirigeants kirghiz n’en imposeront pas moins au printemps 2006 une importante augmentation de 148 millions de dollars (!) du loyer de la base de Manas.


                                                                                                                                                                       Tristan Morel



  1. www.globalsecurity.org/military/facility/centcom.htm

  2. Entretien avec le lieutenant-colonel Denis Millot, délégation aux Affaires stratégiques, Ministère de la Défense.

  3. www.globalsecurity.org/military/facility/centcom.htm

  4. Entretien au Ministère français de la Défense




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